Bonjour à tous, c’est Cloo qui va vous raconter son premier petit voyage à icha...
Car il y en aura deux.
Pour situer, Icha se trouve dans l’Andhra Pradesh, au Nord ,en bordure de l’Orissa sur la commune de Kondakarla au bord d’un lac où il y a une réserve d’oiseaux, des pêcheurs, une végétation assez agréable qui est protégé.
Après sept heures de train pour parcourir juste 350 km, puis une demi-heure d’auto Rickshaw sur une route, complètement bourrée de nids de poule, on pourrait même dire que c’est des nids d’autruche. Ce n’est jamais très facile le déplacement en Inde!!! de toute façon. C’est assez éprouvant .
J’ai été accueilli à bras ouverts par le personnel Amina, Laxmi, Shanti… Le jardin est magnifique. Après trois ans, les arbres ont poussé, les fleurs s’éclatent de partout. Je suis très émue d’être ici, presque une envie de pleurer, cela faisait vraiment longtemps, très émouvant.
Après avoir posé mes valises dans ma chambre, je suis allée voir les enfants qui eux sont comme la végétation, ils poussent à une vitesse grandiose. C’est surtout le temps qui a passé depuis ma dernière visite qui a transformé tout ce petit monde.
J’ai retrouvé la même vie, la même ambiance, c’est comme si j’avais quitté l’endroit depuis hier.
J’étais contente d’être arrivée. Madhu était absente, obligée de rester à Vizag pour soigner une nouvelle recrue, qui est très malade, des examens et des traitements étaient nécessaires pour elle. Une tuberculose a été détecté et les soins sont de rigueur pour cette infection. Aujourd’hui elle va mieux, mais elle a besoin de se remettre en forme. Comme je suis arrivée le 22 décembre, les festivités de Noël étaient en cours de préparation.
Beaucoup de questions se présentent devant moi, comme, par exemple le futur de ses enfants les plus handicapés, bien sûr. J’ai discuté avec Pavan, le physiothérapeute de Icha qui, en plus de sa mission s’occupe de beaucoup de choses dans l’organisation de la structure.
C’est vrai que l’objectif de vie reste quand même très limité. Il imagine que c’est une vingtaine d’années pour les enfants avec gros handicaps. Entre le début et maintenant 12 ans ont passé, ils ont une croissance très très lente, mais ils pèsent quand même de plus en plus, pour le personnel c’est quand même un problème physique qui ne va pas aller en S’améliorant. Le futur est un problème, Madhu y pense, elle imaginerait que Rani pourrait prendre le relai. Elle a 12 ans, juste un bras, des malformations de la main, le pied a été opéré en plusieurs fois, elle marche maintenant normalement. Elle est intelligente, mais le futur, personne ne le connaît…
À l’intérieur de chaque enfant règne une beauté qui nous laisse parfois sans voix. Le regard est le seul moyen de communication, les gestes imprécis, nous donnent la réalité, ils sont prisonniers de leur corps. Je ne peux pas en dire plus, en vrai c’est pire, difficile de vous expliquer, nos cultures sont tellement différentes que c’est inutile que j’en rajoute.
Girija, qui est mignonne comme tout, qui fait de son mieux pour travailler à l’école, mais elle souffre de diabète, un diabète très très grave elle atteint du genre 380, et parfois 500,c’est très grave pour elle. En plus du régime elle a un traitement assez fort mais le taux ne baisse rarement. Elle a évidemment des problèmes aux yeux, conséquence d’un grave Diabète. En fait, Pavan m’a laissé entendre qu’il était très inquiet justement sur le temps qui lui reste à vivre. Ça m’a donné des frissons dans le dos, c’est toujours difficile d’imaginer une enfant qui risque de partir trop tôt. Je ne connais pas exactement la situation de Girija mais les conséquences d’un grave diabète sur le reste du corps, infarctus, AVC, les reins, les yeux et tout ça c’est terrible. Voilà pour l’instant elle essaye d’avoir une vie « normale » enfin presque.
Elle n’accepte pas les privations en sucre, donc elle feinte avec beaucoup d’imagination pour piquer le maximum de friandises, ce qui aggrave sont problème. Elle ne veut rien entendre.
J’ai appris lors de mon deuxième séjour à Icha, séjour pendant lequel je vous écris, que Girija, a été témoin dans son enfance, de l’acte criminel que son père a porté sur sa maman qui en est morte. Le papa est parti en prison elle est restée avec ses grands-parents, puis la grand-mère est morte, le grand-père a dû travailler et très souvent absent. Il donnait juste de la nourriture, les voisins très affectés par la situation de cette enfant, qui passait son temps seule, ont appelé les services sociaux, elle a donc été prise en charge par un orphelinat. Donc voilà. Puis est arrivé à Icha. Très maigre et un énorme ventre. Après examen à ce moment-là, elle avait de très graves dysfonctionnements du foie, du pancréas et de la rate, problème congénital et héréditaire, le diabète est apparu après. Quand ça commence mal parfois!
Puis, le décès de ma petite Maman juste un mois après mon départ, le jour de Noël. Elle me manque. Ce n’est évident. Le séjour s’est déroulé avec beaucoup de générosité et de bonne humeur et de moment très émouvants. On ne peut pas rester indifférent, il y a trop d’émotions, c’est injuste, pourquoi autant de différences entre les gens sur cette planète. Beaucoup sont chanceux, certains ne s’en rendent même pas compte. C’est vraiment une question de cœur, il doit rester ouvert et attentif à tout ce qui l’entoure.
Après Noel comme tout le monde le sait, environ une semaine après d’ailleurs, ce sont les festivités du nouvel an qui commencent.
J’ai passé trois jours avec Madhu, son mari et ses amis, dans un endroit de la montagne assez sauvage, et nous avons festoyé comme il se doit avec Adeeb le roi de la fête. Puis j’ai repris ma route, les rails plutôt pour me retrouver dans mon petit coin préféré, Gopalpur avec sa mer, merveilleuse, mes amis, mes enfants et les gens que j’aime. J’ai beaucoup d’affection pour ce village, qui devient une petite ville aux alentours, mais le vieux village de pêcheurs reste inchangé, la même misère. Les habitations sont très primitives, très insalubres même si certaines familles font en sorte que leurs intérieurs simples soient propres, les égouts et les poubelles sont aux pieds des portes.
L’hindouisme et l’adoration des animaux tel que la vache, l’éléphant, le serpent etc.
Les insectes et aussi les chiens… un fléau pour la vie de tous les jours. Des meutes entières dans les rues, les trois quarts d’entre eux sont malades, des boules de croûtes, des boiteux, ils veulent tous manger ce qu’ils trouvent dans les poubelles.
Mais les guerres de gangs sont terribles, les nuits animées par des bagarres parfois meurtrières.
Soit, contente de revoir les enfants. Srinu, pour ceux qui suivent, j’ai finalement décidé de l’aider à faire sa formation de soudeur. Il a réussi son examen et devrait avoir son visa ces jours-ci et partir pour le Bahreïn, il est très content.
Les filles vont bien dans un quotidien collège et cours d’informatique. Difficile de les quitter encore une fois !
Pour le reste de mon temps je le passe avec les amis de Gopalpur qui me racontent leurs soucis, soucis très proches des nôtres. Comment dans ce contexte mondialement difficile, trouver du boulot, se nourrir, se loger, se soigner sans argent et sans aide du gouvernement en Inde, envoyer les enfants à l’école…et tout cela dans un contexte d’insalubrité et de culture encore géré par les castes.
Quand je suis témoin de scène quotidienne, de vieilles femmes usées de cette rude vie qui chaque jour fouillent avec des grands sacs, les immenses dépôts d’ordures de tout genre pour un y trouver quelques bouteilles en plastique, en verre, où un peu de ferraille qui pourront troquer contre 10 ou 20 roupies ou alors patates et oignons, quelques centimes d’euro, ben moi ça me tord les boyaux et ça me fend le cœur.
Je vais citer un passage d’un livre qui m’a été offert par mon amie Madeleine qui nous a quitté l’année dernière.
« Cinq méditations sur la beauté de François Cheng.
La bonté qui nourrit la beauté ne saurait être identifiée à quelques bons sentiments plus ou moins naïfs. Elle est l’exigence même, exigence de justice, de dignité, de générosité, de responsabilité, d’élévation vers la passion spirituelle.
La vie humaine étant semée d’ épreuves, rongée par le mal, la générosité exige des engagements de plus en plus profonds ; du coup, elle approfondit aussi sa propre nature et engendre des vertus variées telle que sympathie, empathie, solidarité, compassion , commisération, miséricorde.
Toutes ces vertus impliquent un don de soi, et le don de soi a le don de nous rappeler, encore une fois, que l’avènement de l’univers et de la vie est un immense don. Ce don qui tient sa promesse et qui ne trahit pas est en soi une éthique. »
Ben moi, tout ça me parle beaucoup, en Inde, ici, chaque instant les yeux ouverts sur ce qui m’entoure, m’aspire à la sensibilité et l’engagement. Petit soit-il de ma part, c’est comme le colibri qui apporte sa goutte d’eau pour éteindre l’incendie.
Certes en France aussi une certaine misère règne pour certains. Mais nous avons les moyens d’aider bien plus aisément. Faut-il encore y mettre du sien.
Je suis retournée à Icha le 28 janvier où j’ai passé une autre semaine avec les enfants et ceux qui les entourent. Je pourrais parler de Baschira, Tejia, Teji, Monica et la petite Satya… Une histoire pour chacun, une prochaine fois...
Je me suis fais un petit planning pour mon prochain de voyage. Grand nettoyage des fenêtres et des moustiquaires, les moustiques ne risquent pas de s’introduire, les trous sont microscopiques, remplis d’une poussière collante et l’air lui aussi reste dehors du coup.
Voilà, quelques peintures à refaire, un peu de renouveaux. Bienvenue aux intéressés pour un chantier participatif.
Je suis à Delhi, prise en flagrant départ demain le 7… contente de vous retrouver et triste aussi. L’équilibre.
A bientôt.